Jeff KOONS

Jeff Koons: Né en 1955, américain.

En 1973, alors qu'il n'a que 18 ans et qu'il est inscrit au "School of Art Institute in Chicago", Jeff Koons obtient de Salvador Dali, son idole, un rendez-vous (Salvador Dali a, alors, 69 ans! qu'il ait consenti un rendez-vous à un jeune homme de 18 ans qui a réussi, on se demande comment, à avoir son n° de tél. perso. pour le relancer, c'est plus qu'invraisemblable...mais bon, soit! ça fait partie de la légende).

Ce rendez-vous durera une après-midi entière (toujours selon la légende), alors que Jeff Koons n'espérait que quelques minutes.

Jeff Koons tirera de cet entretien une grande confiance en son talent.

En 1977, Jeff Koons, qui a 22 ans, trouve un job au MoMA où il se serait distingué en multipliant le nombre d'adhérents.

En 1979, il réalise la série des "Inflatable flowers". Il vit alors à New York, et se procure des objets gonflables dans des magasins bon marché. Cette mise en scène d'objets manufacturés bon marché, selon une démarche "conceptuelle", laisse entrevoir les influences de Marcel Duchamp pour l'idée de présenter un objet manufacturé comme une oeuvre d'art et d'Andy Warhol pour l'idée de réaliser des oeuvres en séries selon une démarche commerciale.

"Inflatable Flowers" 1979 vinyl mirrors.

En 1980, il devient courtier en marchandises. C'est probablement au sortir de sa courte expérience de courtier que Jeff Koons se lance dans la série insipide des aspirateurs. Cette série, comme on pouvait s'en douter, est un échec.

Il déclare: "Quand j'ai conçu mes fleurs gonflables, ou les oeuvres utilisant des éponges, il pouvait arriver que quelqu'un comme Richard Prince ou bien Holly Solomon, qui était galeriste à New York, vienne dans mon atelier, mais cela restait une exception. Je pensais que mes premières réalisations révélaient trop ma propre sexualité; je pensais que créer quelque chose d'objectif reviendrait à abandonner tout ce qui me serait associé. C'est alors que j'ai réalisé "The New". Cette série, utilisant des aspirateurs a été exposée dans plusieurs lieux alternatifs dont Artists Space et White Columns, donc toujours en périphérie. Personne ne m'achetait rien. J'ai dû rentrer chez mes parents et habiter chez eux. Quand je suis revenu et que j'ai commencé à m'imposer, la scène artistique de l'East Village se mettait en place. J'ai exposé la série "Equilibrium". C'est alors que les choses ont commencé à avancer pour moi".

Que la série des fleurs gonflables révèle trop sa sexualité laisse perplexe! (une sexualité en éclosion peut-être ?); la série des aspirateurs trouvera une lecture tout aussi orientée! En effet, à propos de ses aspirateurs qu'il présente en 1980 dans une vitrine éclairée au néon, Jeff Koons aurait déclaré : "un aspirateur, c'est une machine qui pompe, qui suce".

Jeff Koons se fait aider par Richard P. Feynman, prix nobel de physique (qu'il aura relancé par téléphone) pour réaliser sa série "Equilibrium" qui doit représenter, dans un aquarium rempli d'une solution d'eau salée, des ballons de basket en suspension.

Le basketball représente, selon les explications de Jeff Koons, un moyen pour les classes défavorisées de grimper dans la hiérarchie sociale et le ballon de basket de Jeff Koons est le symbole de cette possibilité d'ascension; d'une façon plus générale, le ballon de basket de Jeff Koons symboliserait cette aspiration universelle à se "créer soi-même".

L'oeuvre "One BallTotal EquilibriumTank" est acquise par un industriel chypriote, Dakis Joannou, pour 2700 dollars.

"One BallTotal EquilibriumTank" (Spalding Dr. J 241 series), 1985

"Tree BallTotal EquilibriumTank" (Dr. J. Silver series), 1985

La somme n'est pas considérable, mais Jeff Koons considère que les choses ont commencé à évoluer pour lui à compter de la série "Equilibrium". C'est un fait que le milliardaire Dakis Joannou, qui est un collectionneur d'art contemporain, a demandé à Jeff Koons de peindre son yacht "Guilty" et a continué de collectionner ses oeuvres (que Dakis Joannou ait reconnu la qualité de l'artiste dès la série Equilibrium, ça force le respect!)

Il est donc vraisemblable que les finances de Jeff Koons se soient améliorées au contact de ce milliardaire avec qui il s'est lié d'amitié.

Guilty

En 1986 Jeff Koons réalise son premier trompe l'oeil, avec son "Rabbit". Il ne reprendra l'idée du trompe l'oeil que dans les années 2000.

"Rabbit" acier inoxydable 1986. Le lapin semble en matière gonflable.

En 1988, Jeff Koons crée sa série "banality".

Série "banality" 1988

Michael Jackson and Bubbles 1988. A noter que Michael Jackson est représenté avec 3 bras!

Michael Jackson and Bubbles - photo

Jeff Koons reprend l'idée initiée par Andy Warhol de considérer comme source d'inspiration, tout ce qui fait la société américaine et en ce qui le concerne : publicités, stars, jouets etc.. sans hiérarchiser.

Pour illustrer le thème "banality" Jeff Koons s'inspire, par exemple, d'une photo de Michael Jackson avec son singe Bubbles (photo que Michael Jackson lui a transmis avec beaucoup d'autres photos). Michael Jackson est alors au sommet de la célébrité à la suite de la sortie de son album "Bad". La sculpture, en porcelaine, est ultra kitsch, en blanc et doré; le couple est posé sur un lit de roses; Michael Jackson est vêtu à la manière de Elvis Presley. Les fans de Michael Jackson ont reproché la féminisation de leur idole, représentée avec des yeux trop maquillés et une bouche sensuelle ainsi que sa blancheur de peau. Pourtant, Mickael Jackson aspirait à devenir blanc et cultivait son côté androgyne. Jeff Koons ne fait que souligner la quête identitaire de l'artiste afro. qui cherche sa place dans la société américaine. (v°Sylvie Laurent, « Il était une fois Michael Jackson », La Vie des idées , 29 juin 2009. ISSN : 2105-3030. http://www.laviedesidees.fr/Il-etait-une-fois-Michael-Jackson.html)

Le côté très kitsch de l'ensemble n'a rien d'ironique. Jeff Koons n'a jamais voulu hiérarchiser les genres et rend hommage à une culture populaire dont les idoles raffolent du kisch notamment dans leurs tenues vestimentaires.

Cette sculpture est incontestablement une superbe réussite: ce qui saute aux yeux, ce sont toutefois les regards des deux personnages qui étonnent, par leur expressivité, dans une telle kitscherie: les deux personnages semblent penser, et leurs pensées ne semblent pas sereines (La sculpture est acquise en 2001 au cours d'une vente aux enchères du "Sotheby's spring contemporary art" à NY pour 5,6 millions de dollars).

Les autres sculptures de la série "Banality", présentent moins d'intérêt.

Buster Keaton, banalisé, devient un jouet d'enfant en bois.

"Buster Keaton", 1988

La panthère rose est dans les bras d'une blonde.

"Pink Panther" 1988

Jeff Koons se cherche...

En 1990, commence l'idylle entre Jeff Koons et la star italienne du porno la "Cicciolina". Il l'épouse en 1991. Jeff Koons procède alors à une mise en scène de sa sexualité et ça n'en finit pas !. Sa crise d'adolescence tardive (il a quand même 35 ans en 1990) va durer plus de 3 ans.

Son inspiration artistique fait une pause.

Jeff and Ilona (Made in Heaven) 1990

Citons toutefois "A Large Vase of Flowers", une réussite en 1991. Jeff Koons dira de ses fleurs qu'elles sont "très sexuelles et fertiles"!.

"A large vase of flowers" 1991

En 1994, Jeff Koons est débarrassé de la "Cicciolina". Il a eu un enfant dont la garde lui a été attribuée dans un premier temps puis retirée. Il adressera un message d'amour à son fils.

Hanging Heart 1994-2006

A partir de 1994, Jeff Koons est en état de grâce.

1994, c'est l'année où il débute, avec une équipe de plus de cent personnes, la réalisation de "Balloon Dog".

Elégance des formes, originalité du sujet, simplicité de l'inspiration, justesse des couleurs, très haute qualité d'exécution :

"The balloon dog" est LE chef d'oeuvre de Jeff KOONS.

Décliné en cinq couleurs (bleu, magenta, jaune, orange, rouge) les différentes versions ont été exécutées entre 1994 et 2000.

Les cinq versions ont trouvé les acquéreurs suivants :

L'industriel grec Dakis Joannou pour la version rouge, François Pinault pour la magenta, Eli Broad, mécène de Los Angeles pour la bleue,Steven A. Cohen, millionnaire des hedge-funds pour la jaune, et un inconnu pour l'orange acquise pour la somme de 58,4 millions de dollars lors d'une vente aux enchères le 12 novembre 2013.

The Balloon Dog, acier inoxydable poli miroir., 363,2 x 114,3 cm

Le Balloon Dog est l'oeuvre emblématique de Jeff Koons, peut-être à cause du sujet. Le chien a une attitude fort sympathique; il a l'air d'attendre la baballe et semble remuer la queue; c'est un petit chien genre fox terrier comme Milou!

Jeff Koons et son équipe réaliseront d'autres oeuvres de qualité similaire par la suite:

Balloon Flower 1995-2000; acier inoxydable poli miroir.

Balloon Rabbit 2005-2010, acier inoxydable poli miroir.

Balloon Swan 2004-2011, acier inoxydable poli miroir.

Balloon Monkey 2006-2013, acier inoxydable poli miroir.

Balloon Venus 2008-2012, acier inoxydable poli miroir.

Citons encore, parmi les réussites de Jeff Koons, son "Lobster" réalisé en 2003. L'oeuvre rend doublement hommage à Dali: le homard a les moustaches du célèbre artiste et reprend le sujet du "Téléphone-homard" du maître.

"Lobster" 2003

"Téléphone-Homard" Dali 1936

En 2008, l'exposition des oeuvres de Jeff KOONS au Château de Versailles est un temps fort pour le petit monde de l'Art contemporain.

Cette première pour l'intrusion de l'art contemporain dans le Château, n'a pas manqué de provoquer une polémique qui n'a pas seulement été orchestrée par les intégristes du non mélange des genres. Les organisateurs ont été accusés d'utiliser le patrimoine national pour favoriser des intérêts privés, ceux, notamment, de François Pinault, qui avait tout intérêt à ce que les oeuvres de Jeff Koons soient exposées au Château de Versailles pour que leur côte grimpe immédiatement, étant possesseur d'un certain nombre d'entre elles.

Le fait est que, en 2009, une réplique du "large vase of flowers" (1991 bois polychrome dont il existe 3 versions) était vendue chez Christies's à NY (Christies est propriété de François Pinault) pour 5682500 dollars (3781560 euros). Or, une autre réplique de cette oeuvre n'avait trouvé preneur, lors d'une vente chez Christie's Londres en 2000, que pour 994961 dollars. Cette performance était d'autant plus inattendue que la réplique vendue n'était pas celle-là même qui avait été exposée à Versailles. (On notera toutefois qu'entre 2000 et 2009, la valeur du "Large vase of flowers" avait augmenté de 17,5%, ce qui n'est pas délirant!).

A cela s'ajoute le fait que Jean-Jacques Aillagon, Psdt de l'Etablissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles est un ancien conseiller de François Pinault et ancien directeur du Palazzo Grazzi à Venise, propriété de François Pinault et siège de la fondation d'art contemporain.

S'ajoute encore le fait que durant les trois années qui ont suivi l'exposition des oeuvres de Jeff Koons en 2008, se sont succédés trois artistes liés à la Galerie Emmanuel Perrotin à Paris (Veilhan, Murakami, Venet), Emmanuel Perrotin étant un ami et courtier proche de François Pinault.

Bref, après ce constat, la question que l'on peut se poser est la suivante:

Faut-il dénigrer Jeff Koons parce qu'il a été surcôté grâce, notamment, aux manoeuvres conjuguées du galeriste François PINAULT et du Psdt de l'Etablissement public du château eu musée et du domaine national de Versailles ? En d'autres termes, la surcote d'une oeuvre lui enlèverait-t-elle tout intérêt artistique ?

Evidemment non. Jeff KOONS reste parmi les plus grands, en cette fin de XXème siècle et début du XXIème siècle; la cote n'intéresse que les spéculateurs et non l'histoire de l'art.

D'ailleurs Jeff Koons, très perfectionniste, investit beaucoup dans la réalisation de ses sculptures qui nécessite le travail d'une équipe.

Une inspection minutieuse de ses Balloon dog, par exemple, ne permettrait pas de déceler le moindre indice (tel une jointure par exemple) pour comprendre la façon dont la pièce a été réalisée.

Pour les oeuvres qui imitent des jouets de plage, même vues de très près, il semble qu'il soit possible de les transpercer d'un coup de ciseau et de les dégonfler; l'illusion est parfaite. Il en est ainsi, par exemple, pour le "Lobster".

"Lobster" 2003 aluminium polychrome

"Chainlink" 2002-2008, acier galvanisé et aluminium

Jeff Koons et son équipe mettent le plus souvent plusieurs années pour finaliser une sculpture en aluminium ou en acier afin de lui donner l'aspect d'un jouet en plastique gonflable.

La question est la suivante: pourquoi donner l'aspect trivial de jouet en plastique à une sculpture en acier (ou en aluminium) ? Là où il y a le travail, sur plusieurs années, de toute une équipe et l'utilisation de techniques de pointe, le public ne voit que banalité et crie à la facilité. Sur le plan commercial, la stratégie de Jeff Koon, qu'on accuse de vouloir faire de l'argent facile, paraît pour le moins curieuse !

Quoiqu'il en soit, c'est surtout le choix des sujets qui déroute le public alors que Jeff Koons, d'extraction bourgeoise, a voulu privilégier des sujets accessibles au plus grand nombre et appartenant à une culture populaire, selon la tradition initiée par le Pop Art. Or, pour le bon peuple, une telle démarche ne peut être qu'aberrante (ce qu'un bourgeois cultivé ne peut qu'ignorer!). La production de Jeff Koons ne s'adresse, en réalité, qu'à une minorité d'amateurs d'art contemporain. Le marché de l'art ne s'y est d'ailleurs pas trompé!

Popeye 2009-2011, Titi 2004-2009, Hulk (friends) 2004-2012, Elephant 2003, stainless stell (acier inoxydable)

Que dire des oeuvres plus récentes de Jeff Koons et notamment de ses Gazing Ball ? Rien. C'est sans intérêt.

Idem pour sa voiture.

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