Maurizio CATTELAN

Maurizio Cattelan est un artiste italien, né le 21 septembre 1960.

On retient souvent, de son art, ses facéties.

Maurizio CATTELAN "Untitled" 2001; Cattelan entre par effraction dans un musée où s'expose l'Art bourgeois.

Pourtant, beaucoup de ses oeuvres, bien que souvent dérangeantes, n'ont rien de léger ni d'ironique.

En 1996, il réalisait, par exemple, une oeuvre intitulée "La ballata di Trotsky" (la ballade - chanson- de Trotsky). Il s'agissait d'un cheval naturalisé suspendu à un mur. En 2001, l'oeuvre aurait été vendue 560 000 £ et en 2004, elle aurait été revendu 1,85 millions de dollars! C'est insupportable pour certains (voir l'article "Art Market Review" (http://artmarketreview.tumblr.com/post/57611867535/maurizio-cattelan-le-suicide-de-l-art) qui dénoncent le choix d'un tel sujet, jugé morbide, pour une expression artistique! (c'est tout (ou presque) l'art contemporain qui devrait être mis à la poubelle si on suivait le goût de ces censeurs !!)

Pourquoi un tel titre ? Ce cheval apparaît comme un emblème de l'exploitation; plus particulièrement de l'exploitation ouvrière. Ca rappelle furieusement Germinal ! Zola fait allusion, dans ce roman, à la condition effroyable de ces chevaux que l'on descendait dans les mines pour tracter les wagons de charbon et qui, une fois au fond du trou, y restaient jusqu'à leur mort. Comme l'ouvrier, le cheval apparaît comme sacrifié à l'industrialisation. Avec Trotsky, on est bien dans le thème!

Dans le même ordre d'idée, M. Cattelan exposera une série de 5 chevaux empaillés suspendus à un mur, de dos, les pattes pendantes, et la tête encastrée dans le mur. Il fait référence au roman de Malaparte, "Kaputt", et particulièrement à l'épisode relatif aux chevaux pris dans les glaces du lac Lagoda en Russie.

M. Cattelan exposera cette oeuvre pour la première fois en 2007. La réunion des 5 chevaux n'est pas facile, car chaque cheval appartient à un propriétaire différent.

Les chevaux de Cattelan susciteront une vive réaction et donnera lieu à une pétition qui demande à M. Cattellan de dépendre les chevaux. On y lit: "You are NOT an artist!!!, you are sick!!! TAKE IT DOWN!!!". Selon les pétitionnaires, cette exposition de chevaux pendus laisserait apparaitre que M. Cattelan milite pour la cruauté contre les animaux.

M. CATELLAN évoquera, également, la condition difficile de l'âne.

sans titre 2002

On retiendra encore cette représentation du cheval comme bête sacrifiée : une pancarte portant la mention INRI désigne l'animal comme victime expiatoire! On se demande si ce cheval sacrifié est censé racheter nos péchés !!? Oeuvre blasphématoire, elle a probablement pour ambition de déranger, d'autant plus que la pancarte INRI est fichée dans l'abdomen de la bête comme la pancarte de prix d'une boucherie.

2009 Tate Modern Londres lors de l'exposition "Pop life"

Mais c'est dès 1999 que Maurizio CATTELAN se fera remarquer grâce à son oeuvre intitulée "la nona hora" (la neuvième heure). L'oeuvre représente le Pape Jean Paul II à terre, écrasé par une météorite, et accroché à sa croix (férule). La neuvième heure est celle où le Christ, en croix, s'adresse à Dieu et lui dit: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné ?"; c'est l'heure du doute, de la souffrance suprême.

On se demande si CATTELAN n'a pas voulu représenter un Pape réellement abandonné par Dieu !! CATTELAN insiste sur le côté ridicule du Pape: les morceaux de verre à ses côtés laissent penser que sa sainteté était dans sa "papamobile" (laquelle a été recouverte d'une verrière en 1981 après la tentative d'assassinat contre Jean-Paul II) lorsque la météorite lui est tombé dessus. Il est empêtré dans ses vêtements d'apparat et la protection qu'il parait rechercher dans la religion, en s'agrippant à sa férule, semble dérisoire et vaine face aux caprices des éléments naturels.

La "Nona Hora", exécutée avec la collaboration de Daniel Druet, sculpteur, a été présentée dans deux versions: dans l'une, le Pape est vêtu de blanc, dans l'autre, il porte une chasuble d'or. Mais c'est bien, chaque fois, toujours la même sculpture de cire (bien que le visage du Pape paraisse différent d'une sculpture à l'autre!) qui a fait l'objet de deux ventes aux enchères, l'une en mai 2001 à NY (Christie's, propriété de Pinault depuis 2001) pour 886000 dollars et l'autre en novembre 2004 à NY (Phillips de Pury) pour 2,7 millions de dollars et d'une dernière cession au profit de F. Pinault pour 3 millions de dollars.

L'oeuvre a été prêtée au diocèse de Rennes (la seconde épouse de Pinault est antiquaire à Rennes et Pinault est propriétaire du stade rennais) en 2014 et exposée au Musée des Beaux-Arts de Rennes où elle a subi des dégâts. La férule a été brisée dans sa partie haute par une visiteuse qui, absorbée par la contemplation d'une descente de croix de Le Brun, est tombée dessus en reculant. On se demande comment le diocèse de Rennes a pu emprunter une telle oeuvre blasphématoire!!

En 2001, Maurizio CATTELAN crée une sculpture de cire à l'effigie d'Hitler sous le titre "HIM". Maurizio CATTELAN est allé chercher l'emblème de l'horreur absolue pour atteindre la public et le faire réagir. On pourrait classer d'ailleurs les oeuvres provocatrices de CATTELAN dans la rubrique des "performances" puisque dans la performance, le public a un rôle important à jouer.

En l'occurrence, l'horreur dans cette représentation d'Hitler, c'est son ambiguité: il est représenté à la taille d'un enfant, vêtu d'un costume de tweed (détail qui devrait signaler qu'il ne s'agit pas d'un enfant vu qu'à l'époque où les jeunes gens pouvaient être affublés ainsi les garçons portaient des culottes courtes même en hiver) et agenouillé, dans une position de recueillement. Vue de dos, la sculpture donne l'impression que c'est un enfant ou jeune adolescent qui prie; c'est en découvrant le visage de la sculpture, que le sentiment d'horreur ne manque pas de faire place à l'indignation. L'horreur vient du décalage entre la candeur de l'enfant agenouillé et la monstruosité d'Hitler dans la même position d'humilité.

En 2012, Maurizio CATTELAN n'a rien trouvé de mieux que de présenter l'oeuvre dans l'ancien ghetto juif de Varsovie (elle avait été exposée à Rotterdam en 2002 et à Münich en 2003). L'oeuvre devait initialement être exposée au Centre d'art contemporain de Varsovie. Finalement, elle a été exposée dans l'ancien ghetto de Varsovie mais le personnage d'Hitler agenouillé n'était visible que de dos et à condition de regarder au travers du trou de la porte d'entrée d'un immeuble d'habitation désaffecté, c'est à dire, à condition de savoir qu'il y avait quelque chose à voir à travers ce trou! le regard à travers un trou rappelle désagréablement l'oeilleton dans "la liste de Schindler"; on se souvient que le plan d'une chambre à gaz à travers un oeilleton avait fait polémique, le regard à travers l'oeilleton ne pouvant être, a-t-on critiqué, que celui d'un nazi; on reprochait au réalisateur d'inviter le spectateur à se mettre à la place d'un nazi.

La vision de l'oeuvre de CATTELAN intitulée "HIM", vue de dos, c'est à dire la vision d'un enfant agenouillé, même à travers un trou, ne pouvait, à vrai dire, réellement choquer! on n'est pas dans la polémique qui consiste à se demander si notre regard, à travers ce trou, est celui, ou non, d'un nazi! ce n'étaient pas des déportés, dans une chambres à gaz, que CATTELAN nous donnait à voir!

L'oeuvre a néanmoins soulevé l'indignation de certaines organisations juives. Le Centre Simon-Wiesenthal a, par exemple, fait valoir que cette oeuvre est « une provocation insensée qui insulte la mémoire des victimes juives des nazis ».

Quoiqu'il en soit, on se demande, néanmoins, comment cette oeuvre, plus que dérangeante, a pu être autorisée à être installée dans l'ancien ghetto juif de Varsovie! Ce n'était pas l'endroit ! Il y a quand même des lieux qui ne se prêtent à aucunes expérimentations du type "on va voir l'effet que ça fait!!".

"HIM" fera 17 millions de dollars à une vente aux enchères le 8 mai 2016 chez Christie's à NY.

En 2004, Maurizio Cattelan pend trois mannequins en plastique, représentant des enfants, aux branches du plus vieil arbre de Milan, Place XXIV Maggio. L'oeuvre est une commande de la Fondation Nicola Trussardi; elle est conçue pour être exposée sur une place importante dans l'histoire de la ville; le vieux chêne avait été replanté Place XXIV Maggio pour commémorer les victimes de la 1ère Guerre mondiale.

L'oeuvre de Maurizio Cattelan faisait référence à un conte de fée macabre enraciné dans la culture populaire italienne. Il apparaît d'ailleurs que, dans sa version originale, Pinocchio aurait fini pendu en punition de toutes ses fautes (http://www.madmoizelle.com/contes-de-fees-10141).

L'installation de Maurizio Cattelan a, immédiatement, suscité de vives réactions. Sous le vieux chêne sont apparus des messages, à la fois de protestation et de soutien. La Piazza XXIV Maggio s'est transformée en un espace de débat public: les passants étaient invités à faire leurs commentaires auprès d'une radio locale, la Radio Popolare. Des institutions ont pris la défense de l'oeuvre de Cattelan, au nom de la liberté d'expression; l'artiste a même été invité à exposer sa sculpture à la biennale de Séville.

Quarante huit heures après l'installation des mannequins, un habitant, ne supportant plus leur vision, s'est blessé en tentant de les dépendre.

Maurizio Cattelan s'est expliqué lors d'un entretien au Corriere della Sera, faisant valoir que cette oeuvre a pour vocation de susciter réflexion et discussion et que chacun a la liberté de se détourner.

Finalement, les pompiers se sont chargés de débarrasser l'arbre des mannequins pour des raisons de sécurité.

On se demande si une telle oeuvre aurait eu une chance d'être exposée en Place publique en France, même en 2004 (aujourd'hui, la question ne se pose plus!).

En septembre 2010, la mairie de Milan achète à Cattelan sa sculpture L.O.V.E. pour 2 millions d'euros. Il s'agit d'une sculpture en marbre de carrare de 6 tonnes et haute de 11 mètres, exécutée dans un style néoclassique qui rappelle les sculptures fascistes néoclassique inspirées de la statuaire de la Rome impériale.

L'oeuvre représente une main gigantesque, dont tous les doigts sont coupés, sauf le majeur, dressée comme pour narguer la Bourse de Milan devant laquelle elle est installée.

Un bras de fer s'est très rapidement engagé entre la maire de Milan et les représentants de la Bourse de Milan. Ces derniers ont menacé la maire de délocaliser leur assemblée annuelle si la statue n'était pas retirée. La sculpture, qui devait être retirée le 4 janvier 2011 est restée finalement jusque fin septembre 2011.

Ce qui intrigue le plus, dans cette oeuvre, ce sont les doigts coupés. Si les doigts n'avaient pas été coupés, la main, ouverte, aurait présenté des doigts tendus vers le ciel, supposant un bras, lui-même tendu vers le ciel. On a beau chercher, une telle position du bras et de la main n'existe pas dans l'histoire de l'art. Le bras est toujours tendu de biais, que ce soit, par exemple, dans la statuaire romaine (ex.: statue d'Auguste dite "de Prima Porta", 20 avt JC, Vatican: Auguste est représenté dans la position très romaine du général faisant une adlocutio à ses troupes)

ou dans la statuaire fasciste qui s'inspirerait d'un salut romain dont on a beaucoup de mal, à vrai dire, à trouver un exemple dans l'art romain antique (ex. ci-dessous de sculptures durant la période fasciste italienne: le génie du sport; salut olympique à la romaine, sculpture de bronze, références non trouvées;).

Italo Griselli, Génie du sport

réf. non trouvées

Il semblerait toutefois que le salut fasciste à la mussolinienne ait pu être plus vertical que le salut à l'allemande (ex. représentation peinte de Mussolini, peinture, réf. non trouvées).

Est-ce donc à cette tradition de l'art fasciste italien que la sculpture de Maurizio Cattelan ferait allusion, reprenant d'ailleurs cette tradition fasciste de la sculpture monumentale ? Assimilerait-il alors la Bourse de Milan à une entreprise fasciste ?. Même si l'Italie a pu souffrir de la crise financière dite des subprimes des années 2007-2008 comme beaucoup d'autres pays en Europe, le parallèle avec la période fasciste paraît très exagéré!!

Interrogé sur la signification du geste de sa sculpture Maurizio Cattelan a été très évasif.

On note toutefois que, pour un artiste né en 1960, Maurizio Cattelan paraît exagérément marqué par la période faciste en Italie.

Maurizio Cattelan a, également, pour sujet de prédilection Maurizio Cattelan. Il faut dire qu'il est bel homme. Toujours en costume cravate à l'italienne, il a un faciès joyeux, caractérisé par un beau nez droit.

Maurizio Cattelan cultive son côté pinocchio

Maurizio Cattelan fait la découverte du monde de l'art.

Maurizio Cattelan est un facétieux.

Il aime, par exemple, tourner ses galiéristes en dérision.

En 1994 Maurizio Cattelan oblige son galiériste, Emmanuel Perrotin à enfiler un costume grotesque rose en forme de pénis pour devenir "Errotin le vrai lapin" (allusion au côté "chaud lapin" d'Emmanuel Perrotin).

Perrotin avait tellement le désir d'exposer Cattelan qu'il a accepté d'enfiler le déguisement pendant les six semaines qu'a duré l'exposition.

Une autre fois, Maurizio Cattelan, mécontent de la revente par son galiériste de la "Nona Ora", aurait scotché ce dernier au mur de la galerie pour le présenter comme un objet d'art. Cattelan a fait une photo de cet exploit.

En réalité, on du mal à croire que le galiériste n'était pas consentant ! comment Cattelan aurait scotché son galiériste si ce dernier n'avait pas été d'accord !? par contre, sur la question de savoir comment Cattelan a convaincu son galiériste de se prêter à ce jeu, le mystère reste entier!

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