Tatiana TROUVE

Tatiana Trouvé est une artiste italienne née en 1968. Elle vit à Paris.

En 2007, Tatiana Trouvé a été la 7ème lauréate du prix Marcel Duchamp. Elle a été distinguée pour son oeuvre  intitulée "Bureau des Activités Implicites" (B.A.I.), oeuvre composée de modules, cellules, matrices, en gestation permanente, dédiée à l'inventaire et au classement de ses faits gestes et surtout de ses pensées en devenir. On y trouve des titres de modules tels que "Module à Lapsus" ou "Modules à Réminiscences"... L'important pour l'artiste, c'est ce qui n'est pas visible! l'installation inventorie ce qui peut exister en fonction de ce qui a été ou de ce qui pourrait avoir existé; le processus n'aboutit jamais à "ce qui n'est pas encore" car l'idée c'est que l'on s'oriente nécessairement vers divers possibles. L'installation sollicite l'imaginaire du spectateur qui est invité à explorer mentalement, pendant son parcours, toutes ces "Activités Implicites", a supposer qu'il en soit capable!.

Le propos de l'artiste s'apparente, dans sa démarche, à la recherche d'un temps perdu. Tatiana Trouvé a commencé par archiver des traces ou des preuves de son existence. Enregistrements de sons qu'elle a entendus. Collection de documents administratifs relatifs à sa vie sociale. Collection, par exemple, des CV envoyés et des lettres de refus des entreprises sollicitées. Tatiana Trouvé est fascinée par les espaces vides, les lieux où il ne se passe rien. Elle a créé des lieux occupés par des éléments en attente de trouver leur espace; ces lieux, qu'elle appelle "Polders", suggèrent ainsi un autre espace, une autre configuration que ceux qui sont présentés. Elle a créé des Polders dans le but de conserver la mémoire d'un vécu d'une chose qui a pu se produire. Les espaces créés rappellent des lieux sans âmes, où l'on ne fait que passer sans y prêter plus d'attention, des lieux, le plus souvent anonymes: salles d'attente, hall, sas etc...Tatiana Trouvé s'intéresse aux espaces publics car ils évoquent ce qui est à la fois individuel et universel.

Le spectateur qui n'est pas doué pour l'abstraction, n'éprouve généralement aucun plaisir à se déplacer dans les installations de Tatiana Trouvé.

Il y a des paravents, des matelas, des câbles, du matériel de cuisine : cuisinières, frigos, hottes, éviers, poêles...du mobilier bon marché. C'est à la fois déplaisant et dérangeant.

C'est que Tatiana Trouvé a une prédilection pour ce qui est habituellement caché comme le désordre des câbles, des circuits électriques, des tiges de métal, le squelette métallique des sommiers; elle privilégie également l'ordinaire, le banal, les meubles formica, les fauteuils de bureau bon marché, les ampoules électriques etc..

L'art de Tatiana Trouvé est très cérébral. Son "Bureau des Activité Implicite", qui a commencé à taille humaine, a été réduit, par l'artiste, sous forme de maquette. Cette maquette, produite en 2007, a été présentée à  l'exposition "Z.P.C. Entreprises singulières" au MAC/VAL. Avec ce changement d'échelle, l'artiste a pour objectif de se procurer une plus grande maîtrise sur son oeuvre, voire sur son environnement mental.   Tatiana Trouvé ne réalise aucun projet artistique sans établir un plan du lieu dans lequel doit s'inscrire son oeuvre.

En 2014, Tatiana Trouvé présente au Mamco, Musée d'art moderne et contemporain de Genève, son exposition "L'écho le plus long". L'espace du Musée a été reconfiguré par l'artiste. Toute l'exposition a été pensée, dessinée par l'artiste et concrétisée sous forme de maquette avant son installation. Elle y présente, au 2ème étage du Musée, en accompagnement de son installation, une série de quarante neuf dessins, qui permettent de se rendre compte du cheminement de l'artiste, au cours des années précédentes, de sa pensée hésitante qui opère des choix incessants entre ce qui est du domaine du rationnel et ce qui est subjectif.  

Le propos de Tatiana Trouvé renvoie sans cesse, non seulement à la mémoire individuelle, mais également à la mémoire collective.

Les parcs des villes, par exemple, fascinent l'artiste parce qu'ils évoquent à la fois des lieux de passage mais également des lieux de culture. Il en a été ainsi, par exemple, de son installation en 2015 à Central Park.

Intitulée "Desires Lines", cette installation, qui s'est tenue à Central Park à NY du 3 mars au 30 août 2015, était composée de grosses bobines de cordes de couleurs disposées sur de larges chevalets de stockage. Ces cordes symbolisaient les 212 kms de sentiers du parc; Tatiana Trouvé a baptisé chaque bobine du nom d'une marche politique célèbre (ex. les marches de protestations de Selma à Montgomery en 1965 pour la lutte des droits civiques aux E-U) ou d'un événement lié à une marche restée dans les mémoires telle que la traversée illégale sur un filin entre les 2 tours jumelle de Philippe Petit en 1974. Le nom des marches était inscrit sur les bobines. Certaines inscriptions comportaient une indication de direction pour touristes telle que "trying to get from the Ramble Shed to East 79th Street". L'installation des bobines était accompagnée de plans censés représenter le tracé des cordes de couleurs dans Central Park une fois déroulées. Ces cordes sont toutefois restées bien roulées autour de leurs bobines durant toute l'installation ! C'est le public qui devait imaginer l'installation à travers le parc. Le plan destiné à représenter ces tracés imaginaires n'était toutefois pas visible lors de l'installation. Un guide interactif était accessible sur le site de l'installation!.  Cette installation est peut-être, à ce jour, la plus ouverte de l'artiste sur le monde extérieur.

L'art de Tatiana Trouvé s'adresse à un public averti, ancré dans une culture typiquement occidentale et capable d'abstraction.

La question qu'on ne peut que se poser est la suivante: comment cette artiste, avec ses installations hautement intellectuelles, lesquelles racontent, en définitive, une quête d'elle-même plus qu'elles ne transcrivent un questionnement universel inconscient, a-t-elle pu rencontrer autant de notoriété ? C'est l'épais mystère de l'art contemporain.

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